Le journal italien Le Corriere della Sera révèle en exclusivité des passages de l’autobiographie du Pape François «Life. Mon histoire dans l’Histoire», dans laquelle le Souverain pontife retrace les moments forts de sa vie, allant de ses origines italiennes à son élection, en passant par la Seconde Guerre Mondiale et le coup d’État en Argentine.
Intitulée Life. Mon histoire dans l’Histoire, l’autobiographie tant attendue du Pape sera publiée en Amérique et en Europe aux éditions HarperCollins. François l’a écrite avec Fabio Marchese Ragona, vaticaniste de groupe italien Mediaset et également ami du Souverain pontife. Elle retrace les quatre-vingt-sept années de la vie de Jorge Mario Bergoglio, entrelacées avec les grands événements de l’histoire, allant d’Hiroshima à la pandémie du COVID-19. Le journal italien Le Corriere della Sera est le premier quotidien au monde à révéler les passages marquants.
Échapper au naufrage
Le Pape François raconte en premier lieu le rôle fondamental joué dans son éducation par sa grand-mère paternelle, Nonna Rosa. «Les grands-parents parlaient le (dialecte, ndlr) piémontais, c’est pourquoi le piémontais a été ma première langue maternelle». Le grand-père Giovanni avait servi pendant la Première Guerre mondiale. Dans les lettres des parents restés à Portacomaro, dans la région d’Asti, les nouvelles de la Seconde Guerre mondiale parviennent à la maison Bergoglio à Buenos Aires: les hommes ne sont pas allés au front, ils sont restés dans les champs pour travailler, et les femmes guettent l’arrivée des inspections militaires: «Si elles avaient porté du rouge, les hommes auraient dû s’enfuir pour se cacher. Les vêtements blancs, en revanche, indiquaient qu’il n’y avait pas de patrouilles et qu’elles pouvaient donc continuer à travailler».
En octobre 1927, la grand-mère Rosa et le grand-père Giovanni, avec leur fils Mario -le père du Pape- devaient partir pour l’Argentine depuis le port de Gênes, sur le bateau Principessa Mafalda. Mais le grand-père n’a pas pu réunir à temps l’argent nécessaire à l’achat des billets et a dû reporter le voyage. Le Principessa Mafalda a coulé au large des côtes brésiliennes et trois cents émigrants se sont noyés. Les Bergoglio partent alors en février 1929, avec le Giulio Cesare. «Deux semaines plus tard, ils arrivent en Argentine et sont accueillis à l’Hotel de Inmigrantes, un centre d’accueil pour migrants qui n’est pas très différent de ceux dont nous entendons parler aujourd’hui».
Hiroshima et Nagasaki
Lors des bombardements atomiques d’Hiroshima et de Nagasaki en août 1945, Jorge Mario Bergoglio est âgé de 8 ans. «Les gens du bar ou de l’oratoire des Salésiens disaient que les Américains -ils les appelaient los gringos- avaient lancé ces engins de mort… L’utilisation de l’énergie atomique à des fins de guerre est un crime contre l’homme, contre sa dignité et contre toute possibilité d’avenir dans notre maison commune. C’est quelque chose d’immoral! Comment pouvons-nous nous ériger en champions de la paix et de la justice si, entre-temps, nous construisons de nouvelles armes de guerre?» Et Jorge Mario Bergoglio de révéler, en réponse à la Curie: «Une fois adulte, en tant que jésuite, j’aurais voulu être missionnaire au Japon, mais on ne m’a pas donné la permission d’y aller à cause de ma santé, qui était un peu précaire à l’époque. Qui sait? Si j’avais été envoyé sur cette terre de mission, ma vie aurait pris un autre chemin; et peut-être que quelqu’un au Vatican aurait été mieux loti qu’aujourd’hui».
La professeure communiste
Esther a marqué le parcours estudiantin du jeune Bergoglio, qui se souvient aujourd’hui de l’enseignante comme «une femme formidable, à qui je dois beaucoup. C’était une vraie communiste, athée mais respectueuse: même si elle avait ses propres idées, elle n’a jamais attaqué la foi. Et elle m’a beaucoup appris sur la politique: elle me donnait des publications à lire, dont celle du parti communiste, Nuestra Palabra… Quelqu’un, après mon élection comme pape, a dit que je parlais souvent des pauvres parce que je serais moi aussi un communiste ou un marxiste. Même un ami cardinal m’a raconté qu’une dame, une bonne catholique, lui a dit qu’elle était convaincue que le Pape François était l’antipape. Pour quelle raison? Parce que je ne porte pas de chaussures rouges! Mais parler des pauvres ne signifie pas automatiquement être communiste: les pauvres sont la bannière de l’Évangile et sont dans le cœur de Jésus! Dans les communautés chrétiennes, les gens partageaient les biens: ce n’est pas du communisme, c’est du pur christianisme!».
La petite amie et l’amour
«Pendant cette année au séminaire, j’ai également eu un petit dérapage: c’est normal, sinon nous ne serions pas des êtres humains. J’avais déjà eu une petite amie, une fille très gentille qui travaillait dans l’industrie cinématographique et qui s’est ensuite mariée et a eu des enfants. Cette fois, j’étais au mariage d’un de mes oncles et j’ai été ébloui par une fille. Elle m’a fait tourner la tête par sa beauté et son intelligence. Pendant une semaine, j’ai eu son image en tête et j’ai eu du mal à prier! Heureusement, cela a passé et je me suis consacré corps et âme à ma vocation».
Le coup d’État en Argentine
José Mario Bergoglio a caché et protégé trois séminaristes liés à Mgr Angelelli, plus tard assassiné par la dictature. «Ces trois séminaristes m’ont aidé à accueillir d’autres jeunes en danger comme eux, au moins vingt en deux ans. Ils m’ont présenté le cas d’un garçon qui devait s’échapper d’Argentine: j’ai remarqué qu’il me ressemblait et j’ai réussi à le faire s’échapper habillé en prêtre et avec ma carte d’identité. Cette fois-là, j’ai risqué gros: s’ils l’avaient découvert, ils l’auraient sans doute tué, et ensuite ils seraient venus me chercher». Quant aux deux jésuites expulsés de la Compagnie et enlevés par le régime, le père Yorio et le père Jalics, José Mario Bergoglio raconte qu’il s’est battu pour leur libération: il est allé à deux reprises voir l’amiral Massera; il a réussi à parler au général Videla, en convainquant son aumônier de se faire porter pâle et de célébrer la messe à sa place. Finalement, les deux hommes sont libérés et le Pape organise leur fuite d’Argentine.
Il tente également d’aider Esther, sa professeure communiste, en cachant ses livres, mais il ne peut pas la sauver. Esther est enlevée, torturée et jetée d’un avion. «Il s’agit d’un génocide générationnel», écrit le Pape, qui ajoute: «Les accusations contre moi se sont poursuivies jusqu’à récemment. C’était la vengeance de certains gauchistes qui savaient combien je m’opposais à ces atrocités… Le 8 novembre 2010, j’ai également été interrogé en tant que personne informée des faits pour le procès sur les crimes commis pendant le régime. L’interrogatoire a duré quatre heures et dix minutes: un feu roulant de questions… Par la suite, certaines personnes m’ont confié que le gouvernement argentin de l’époque avait tout essayé pour me passer la corde au cou, mais qu’en fin de compte, ils n’avaient trouvé aucune preuve parce que j’étais propre. Le chef du gouvernement de l’époque était Cristina Kirchner, d’où la froideur de leurs relations. Aujourd’hui, le nouveau président Javier Milei l’a invité en Argentine, mais José Mario Bergoglio explique qu’il n’a pas encore décidé s’il effectuerait ce voyage.
L’exil en guise de punition
Jeune responsable des jésuites en Argentine, José Mario Bergoglio tombe en disgrâce et est envoyé en exil à Cordoba en guise de punition. Il se réveille à quatre heures et demie, prie, dans une petite cellule, la numéro 5, avec une salle de bain commune. Il soigne ses frères malades, les lave, dort à leurs côtés, aide à la lessive: «Se mettre au service des plus fragiles, des plus pauvres, des derniers, c’est ce que devrait faire tout homme de Dieu, surtout s’il est au sommet de l’Église: être un berger avec l’odeur des brebis». Un jour, il propose de cuisiner pour le mariage de la nièce de Ricardo, l’homme à tout faire du couvent: il fait bouillir de la viande dans deux grandes marmites, épluche des pommes de terre, prépare une timbale de riz. Certains jésuites murmurent «Bergoglio est fou». En réalité, il réfléchit aux erreurs «que j’ai commises à cause de mon attitude autoritaire, au point qu’on m’a accusé d’être ultra-conservateur. Ce fut une période de purification. J’étais très renfermé sur moi-même, un peu déprimé».
Une fois la punition terminée, l’ascension commence: évêque auxiliaire de Buenos Aires, puis archevêque, puis cardinal. Lorsque le pape Benoît XVI renonce à sa charge, le cardinal Bergoglio est convoqué avec les autres à Rome. Joseph Ratzinger rencontre les cardinaux et promet «une révérence et une obéissance inconditionnelles au nouveau pape qui sera élu au conclave et qui est parmi nous». Au contraire, rapporte le Pape, «j’ai été attristé de voir, au fil des années, comment sa figure de pape émérite a été instrumentalisée à des fins idéologiques et politiques par des personnes sans scrupules qui, n’ayant pas accepté sa renonciation, ont pensé à leur propre avantage et à leur petit jardin à cultiver, sous-estimant la possibilité dramatique d’une fracture au sein de l’Église».
Pour éviter cette dérive, François s’est immédiatement rendu auprès de Benoît XVI à Castel Gandolfo. «Nous avons décidé ensemble qu’il serait préférable pour lui de ne pas vivre caché, comme il l’avait d’abord supposé, mais de voir les gens et de participer à la vie de l’Église. Malheureusement, cela n’a pas servi à grand-chose, car en dix ans, les controverses n’ont pas manqué et cela nous a fait du mal à tous les deux».
Le Conclave
Après quelques sous-entendus -«avez-vous préparé le discours?»– le cardinal Bergoglio sent qu’on pense à lui comme Pape. Mais la vraie confirmation arrive lorsque le cardinal Santos Abril y Castellò lui demande: «Éminence, excusez-moi de vous le demander, mais est-il vrai qu’il vous manque un poumon?». L’archevêque argentin répond que non, qu’il ne lui manque que le lobe supérieur de son poumon droit, retiré à l’âge de 21 ans. Le cardinal devient sérieux et dit d’un air agacé: «Ces manœuvres de dernière minute…». C’est alors que José Mario Bergoglio se rend compte que son tour pourrait bien arriver.
Dans son autobiographie, il révèle qu’il avait déjà beaucoup de voix dès le début du conclave. «Au premier vote, j’étais presque élu, et à ce moment-là, le cardinal brésilien Claudio Hummes s’est approché de moi et m’a dit: “N’aie pas peur, hein! C’est ce que fait l’Esprit Saint!” Ensuite, au troisième tour de scrutin de l’après-midi, au soixante-dix-septième vote, lorsque mon nom a atteint les deux tiers des voix, tout le monde a applaudi longuement. Alors que le scrutin se poursuivait, Hummes s’approcha à nouveau, m’embrassa et me dit: “N’oublie pas les pauvres…”. Et c’est là que j’ai choisi le nom que je porterais en tant que pape: “François”».
La pandémie
«Lorsque la première dose (de vaccin, ndlr) est arrivée au Vatican, j’ai réservé mon tour immédiatement et j’ai également fait les rappels et, Dieu merci, je n’ai jamais été infecté». Le Pape n’a donc jamais eu le Covid. Cependant, il a été hospitalisé à plusieurs reprises pour d’autres raisons, et il a remarqué que «quelques-uns étaient plus intéressés par la politique, par faire campagne, presque déjà en train de penser à un nouveau conclave. Rassurez-vous, c’est humain, il n’y a pas lieu de se scandaliser! Quand le Pape est à l’hôpital, il y a beaucoup de pensées, et il y a aussi ceux qui spéculent pour leur propre compte. Heureusement, malgré les moments difficiles, je n’ai jamais pensé à démissionner».
L’Europe et Orbán
Dans l’Union européenne, «chaque peuple apporte ses propres richesses, sa propre culture, sa propre philosophie, et doit pouvoir les conserver, en s’harmonisant dans ses différences. J’en ai parlé à Budapest parce que j’espère que ces mots seront entendus à la fois par le Premier ministre hongrois Viktor Orbán, pour qu’il comprenne qu’il y a toujours autant besoin d’unité, et par Bruxelles -qui semble vouloir tout uniformiser- pour qu’elle respecte la singularité hongroise».
Sauver la planète
Dans son autobiographie, le Pape s’exprime à plusieurs reprises pour défendre la paix, le travail, contre les marchands d’armes et les excès de la finance. Il lance ensuite un appel à protéger la création -«le temps presse, il ne nous reste plus beaucoup pour sauver la planète»-, invitant les jeunes à «faire du bruit», sans recourir à la violence et sans «dégrader les œuvres d’art».
Les homosexuels
«J’imagine une Église mère qui embrasse et accueille tout le monde, même ceux qui se sentent mal et ceux qui ont été jugés par nous dans le passé. Je pense aux personnes homosexuelles ou transsexuelles qui cherchent le Seigneur et qui ont été rejetées ou mises à l’écart». Le Pape confirme «la bénédiction des couples irréguliers: je veux seulement dire que Dieu aime tout le monde, surtout les pécheurs. Et si certains frères évêques décident de ne pas suivre cette voie, cela ne signifie pas qu’il s’agit de l’antichambre d’un schisme, car la doctrine de l’Église n’est pas remise en cause». Le mariage homosexuel n’est pas possible, mais les unions civiles le sont: «Il est juste que ces personnes qui vivent le don de l’amour puissent bénéficier d’une couverture juridique comme tout le monde. Jésus allait souvent à la rencontre des personnes qui vivaient en marge, et c’est ce que l’Église devrait faire aujourd’hui avec les personnes de la communauté LGBTQ+, qui sont souvent marginalisées au sein de l’Église: les faire se sentir chez elles, en particulier celles qui ont reçu le baptême et font à toutes fins utiles partie du peuple de Dieu. Et quiconque n’a pas reçu le baptême et souhaite le recevoir, ou quiconque souhaite être parrain ou marraine, soit accueilli»
Les attaques
Le Pape écrit que s’il s’en prenait à tout ce qui se dit et s’écrit sur lui, il devrait aller chez le psychologue une fois par semaine. Mais il a été blessé par ceux qui ont écrit que «François est en train de détruire la papauté». «Qu’est-ce que je peux dire? Que ma vocation est sacerdotale: je suis d’abord prêtre, je suis berger, et les bergers doivent être au milieu des gens… Il est vrai que le Vatican est la dernière monarchie absolue d’Europe, et qu’il y a souvent des raisonnements et des manœuvres de cour ici, mais ces schémas doivent être définitivement abandonnés». Lors du conclave de 2013, «il y a eu un grand désir de changer les choses, d’abandonner certaines attitudes qui malheureusement peinent encore à disparaître aujourd’hui. Il y a toujours ceux qui essaient de freiner les réformes, ceux qui voudraient rester au temps du Pape-Roi».
Renonciation
«Je pense que le ministère pétrinien est ad vitam et je ne vois donc pas de conditions pour une renonciation. Les choses changeraient si un grave empêchement physique survenait, et dans ce cas, j’ai déjà signé au début de mon pontificat la lettre de démission qui est déposée à la Secrétairerie d’État. Si cela devait se produire, je ne m’appellerais pas “pape émérite”, mais simplement “évêque émérite de Rome”, et je m’installerais à Sainte-Marie Majeure pour reprendre mon activité de confesseur et de communion aux malades. Mais il s’agit là d’une hypothèse lointaine, car je n’ai pas vraiment de raisons sérieuses de penser à une renonciation. Au fil des ans, quelqu’un a peut-être espéré que tôt ou tard, peut-être à la suite d’une hospitalisation, je ferais une telle annonce, mais ce risque n’existe pas: grâce au Seigneur, je jouis d’une bonne santé et, si Dieu le veut, il me reste encore beaucoup de projets à réaliser»
Vatican News
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